Extrait du Jugement Complet : p. 84 – 89
En raison des faits qui précédent, Marc-Etienne Burdet est accusé de calomnie, subsidiairement de diffamation, alors que Gerhard Ulrich est accusé des mêmes infractions, ainsi que d’injure à l’encontre de Jean-Pierre Schroeter, de Gérard Salem et de Jean-Pierre Lador et de complicité d’injure à l’égard d’Astrid Rod. L’injure est subsidiaire à la diffamation, elle-même subsidiaire à la calomnie (Corboz, op, cit. p. 567 n.123, p. 574 n 22, p. 578 n. 36, p. 579 n. 1)Se rend coupable de calomnie au siens de l’article 174 CP, celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, s’adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération. Sur un plan subjectif, l’auteur doit ainsi savoir que le fait qu’il évoque dans sa communication au tiers est faux. Il s’agit d’une connaissance au sens strict, le dol éventuel ne suffit pas (Corboz, op. cit. p.572 n.12).
En d’autres termes, il ne suffit pas que l’auteur ait su que ses allégations étaient peut-être fausses, c’est-à-dire qu’elles pouvaient l’être (Paul Logoz, commentaires du Code pénal suisse, partie spéciale I, Neuchâtel 1964, p. 251). La calomnie implique donc la mauvaise foi de son auteur. Selon José Hurtado Pozo (Droit pénal, Parite spéciale II, Zurich 1998, p. 45 n. 172). Le calomniateur doit savoir sciemment que sa victime est innocente.
Le tribunal doit donc déterminer à l’égard de chacun des accusés si cette intention était présente, donc s’ils on menti intentionnellement. Pour élucider cette question de fait, il convient d’examiner le mobile et le mode opératoire de chacun d’eux.
Comme on l’a vu, Gerhard Ulrich a engagé un combat contre l’ordre judiciaire à la suite du traitement en justice de ses démêlés conjugaux qu’il n’a pas accepté. Dès le début de ceux-ci, il a décidé que, puisqu’il avait raison et que les juges lui donnaient tort, il s’imposait de dénoncer leur félonie. Il a dès lors entrepris sa croisade en cherchant à mobiliser l’opinion publique pour la convaincre de bien-fondé de son idée fixe de la malhonnêteté et du pourrissement de l’appareil judiciaire. Adepte des méthodes de marketing et de communication, il a cherché à frapper les esprits en usant de violence verbale. Lorsqu’on lui a fait observer qu’il aurait pu formuler ses critiques en utilisant les canaux démocratiques, politiques ou judiciaires, sans pour autant s’en prendre à l’honneur d’autrui, il a répondu qu’il n’aurait pas eu la même écoute, voire même que cela n’aurait intéressé personne. C’est donc à dessein qu’il a utilisé des mots offensants, pour que son message soit plus percutant et sa propagande plus efficace. Il a fait une réponse similaire lorsqu’on lui a demandé pourquoi il répétait ses attaques. Il a en effet expliqué que cette tactique était nécessaire pour maintenir l’attention de la presse, parce qu’il avait remarqué que les journalistes avaient tendance à s’intéresser davantage à une histoire lorsque celle-ci était récurrente et qu’elle acquérait ainsi une certaine diffusion politique. Il est également frappant que Gerhard Ulrich ait systématiquement accusé les 5 plaignants de comportements relevant d’infractions pénales. En effet, reprocher à autrui une simple erreur ou négligence n’a pas autant d’impact que si on le présente comme un malfaiteur qui a trahi les devoirs de sa charge à des fins d’enrichissement personnel ou pour se procurer des avantages matériels. La criminalisation de la partie adverse procède également de sa rigidité de pensée. Puisqu’il a forcément raison et que l’autre a forcément tort sans vouloir le reconnaître, c’est bien parce qu’il est un délinquant et qu’il ne veut pas assumer le poids de ses fautes pénales !
En ce qui concerne les attaques portées contre Jean-Pierre Lador, il est manifeste que Gerhard Ulrich a voulu se venger de lui en lui occasionnant le plus de tort possible sans aller jusqu’à la violence physique. Dans ses attaques, l’accusé était à la recherche d’un intérêt personnel, soit que le juge en question finisse par céder, qu’il se soumette à sa volonté et qu’il reconnaisse l’avoir faussement condamné. C’est dans cet état d’esprit qu’il a faussement et volontairement fait savoir que le président Jean-Pierre Lador était un corrompu et un faussaire.
En ce qui concerne les 4 autres plaignants, Gerhard Ulrich a repris, sans aucune vérification, les propos de Mme de Rosa, de Daniel Conus, de Françoise Piret et de Joseph Ferrayé. Comme le jugement du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne du 24 novembre 2006 le dit en page 68, le contenu même des dossiers relatifs aux plaignants lui interdisait de penser que ceux-ci avaient commis des infractions pénales. Il a soutenu avoir analysé ses dossiers selon la méthode logique Kepner-Tregoe, en usage selon lui dans le marketing ou la communication. En réalité, il a systématiquement cherché, selon sa propre expression, de la « chair à l’os », soit de quoi ronger, autrement dit n’importe quel point, même insignifiant, éveillant sa méfiance quant à la version officielle des faits. Il cherchait donc n’importe quel prétexte, si futile soit-il, comme casus belli apte à justifier l’attaque verbale et le dénigrement. A titre d’exemple, il a cité le fait que les fillettes De Rosa avaient été retirées à leur mère tard dans la nuit ou que l’incendie des puits de pétrole du Koweit avait été maîtrisé plus rapidement que la presse ne l’avait annoncé. Il a agi comme leader de son association Appel au peuple. Là également, il a articulé des accusations pénales qu’il a imaginées, sauf dans le cas Ferrayé où il a repris les accusations fausses de celui-ci, mais sans y croire le moins du monde comme le montre son mail à Marc-Etienne Burdet du 5 novembre 2006. Les rapports entre l’accusé et les prétendues victimes qui l’ont mandaté relèvent en définitive d’une sorte d’échange de prestations. D’un côté, l’accusé conforte ses clients dans leurs fausses convictions d’avoir été maltraitées et obtient ainsi leur adhésion et leur soutien, le cas échéant financier, à sa croisade et donc l’étayage de sa propre cause. En contrepartie de ce renfort, il leur offre, non pas la possibilité de faire avancer leurs affaires dans une procédure judiciaire, notamment de révision, ou d’autres démarches utiles, mais il leur donne satisfaction en les vengeant, en s’en prenant à leurs parties adverses pour les démolir publiquement. Il en résulte qu’Appel au peuple fonctionne en définitive comme une entreprise collective de vengeance.
A l’appui du but personnel initial de Gerhard Ulrich d’obtenir raison par force en soumettant la justice à sa volonté s’est ainsi ajouté le besoin utilitaire de forger un outil associatif, Appel au peuple, en y agrégeant le plus d’adhérents possible pour en augmenter la puissance. L’objectif secondaire de rendre ce groupement attractif l’a conduit à user de méthodes démonstratives, d'harcèlement et de dénigrement publics. Les accusateurs des plaignants ont ainsi été recrutés et intégrés à l’armée ulrichienne sur la base d’un accord de pure complaisance, chacun étant requis pour soutenir que les causes du leader et des adhérents étaient justes par définition puisque de toute manière, la justice était pourrie, voire satanique.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il est manifeste que l’accusé connaissait indubitablement la fausseté de ses allégations qui n’étaient pas proférées pour obtenir justice, mais pour réaliser une vengeance. Il sera donc déclaré coupable de calomnie.
En ce qui concerne Marc-Etienne Burdet, le même raisonnement peut être fait. Lorsqu’il s’en est pris au notaire Pierre Mottu ce n’était à l’évidence pas pour faire progresser la cause de Joseph Ferrayé. Seules des prestations pointues d’avocat ou d’enquêteur auraient pu y parvenir, ce qu’il n’était pas à même de réaliser d’emblée. La cause Ferrayé avait ceci de séduisant pour lui qu’elle était de nature à frapper les esprits par l’importance des enjeux exprimés en milliards de dollars, qu’elle impliquait des personnalités, voir un contexte cinématographique où évoluaient de pseudo intrigues internationales. Il y a donc vu une caisse de résonance particulièrement utile pour acquérir une stature politique et renforcer son impact dans la bataille d’opinion publique qu’il avait engagée. Il convient de rappeler que c’est le même homme qui s’était porté candidat au Conseil d’Etat vaudois, ce qui tend à montrer qu’il était surtout à la recherche d’une tribune publique lui assurant de jeter largement l’anathème. Cette analyse est confirmée par l’utilisation qu’il a faite des déboires du Servette. Il a reconnu en audience qu’il savait pertinemment que cette démarche, consistant à exiger du notaire Pierre Mottu, les millions qu’il recelait, n’aboutirait pas au versement de l’argent réclamé et au sauvetage du club, mais qu’il avait paru opportun de profiter de l’occasion pour donner du retentissement à ses attaques.
Tout comme Gerhard Ulrich, Marc-Etienne Burdet veut se venger des autorités et des institutions auxquelles il attribue, sans aucune autocritique, tous les maux de sa famille. L’étude du dossier Ferrayé l’a forcément amené à réaliser que le notaire Mottu n’avais jamais commis la moindre infraction. La fausseté des accusations qu’il a formulées par la suite ressortait de manière éclatante du dossier en question. C’est donc volontairement, sciemment, qu’il a proféré celles-ci. Comme le jugement du tribunal correctionnel de Lausanne du 24 novembre 2006 le dit en page 71, l’étude des dossiers en possession de l’accusé démontre au premier coup d’œil qu’il n’y a aucun indice d’infraction, donc que Marc-Etienne Burdet connaissait la fausseté de ses déclarations. Son état d’esprit ressort encore de certains de ses tracts, par exemple celui qu’il à envoyé à la conseillère d’Etat Spoerri le 28 janvier 2005, où il enjoint l’autorité de s’en prendre au notaire Mottu en la taxant de complice d’escroquerie devant être poursuivie si elle refuse d’obtempérer. On voit ainsi avec quelle incroyable facilité et absence de scrupule l’accusé impute à autrui des infractions pénales. Enfin, en ce qui concerne les suites de l’enquête Dubuis, l’accusé a repris ses offenses publiques contre Pierre Mottu dans le seul but de se venger à titre personnel de l’enquête pénal où il était soupçonné d’instigation à menaces. Tous ces éléments concourent à retenir qu’il s’est rendu coupable de calomnie.
L’accusation a été élargie, sur requête du Parquet, à la calomnie qualifiée au sens de l’article 174 ch. 2 CP. Selon cette disposition, la peine-menace sera au minimum de 30 jours-amende et au maximum de 3 ans de peine privative de liberté, si l’accusé a, de propos délibéré, cherché à ruiner la réputation de sa victime. Ce cas aggravé est réalisé selon l’intention de l’auteur, soit s’il a cherché, par une campagne systématique de dénigrement ou par une attaque planifiée particulièrement virulente, à anéantir la réputation de la personne visée (Corboz, op. cit. p.573 n.2) notamment si son but était d’anéantir, de saper la considération dont jouit sa victime après des tiers, en procédant de manière méthodique et planifiée (Pozo, op. cit. p.46 n.173 et 174). Logoz (op. cit. p.252) cite l’exemple de l’auteur qui a procédé selon un plan arrêté, a colporté ses mensonges partout où leur effet pouvait être le plus désastreux, cherchant à ébranler la situation de sa victime, à tuer la confiance qu’elle mérite. C’est l’intensité de sa volonté criminelle qui aggrave ici l’infraction.
En l’occurrence, les 2 accusés réalisent cette aggravante. En effet, pendant des années et jusque durant l’audience du jugement, ils ont persisté à diffuser leurs calomnies sur internet. A chaque reprise, ils sont revenus à la charge à l’encontre des mêmes victimes pour les salir auprès de destinataires différents, exigeant leur renvoi ou leur mise en détention. A l’égard de Pierre Mottu les accusés ont créé artificiellement un événement médiatique, le sauvetage du Servette, à seule fin de faire plus de mal encore en augmentant leur audience et en excitant la populace pour qu’elle s’en prenne directement au lésé, ce qui n’a pas manqué d’arriver. Ils n’ont pas cherché véritablement à faire aboutir des procédures, mais comme déjà dit, à faire le plus de mal possible pour ruiner au plus profond la réputation des victimes dans leur entourage tant privé que professionnel, leur dessein d’anéantissement est patent.